De la Pointe de Bellegarde, vers la chaîne du Mont Blanc |
Point de départ (et d'arrivée) : le Crot (1 km environ après Sixt en remontant le Giffre - alt. 818 m)
Dénivelé positif : du Crot à la Pointe de Bellegarde (alt. 2514 m) : 1700 m
Durée (en mode randonneur normal) : montée jusqu'à la Pointe de Bellegarde : 5h30 ; descente : 4h30
Difficulté : 8/10
Y aller, ou pas ?
L'itinéraire vers la Boîte aux Lettres à partir des chalets de Salvadon |
A partir des chalets de Salvadon, la première partie de la montée est relativement facile, avec une trace assez bien marquée.
On y trouve quelques jolis gisements de myrtilles. Ensuite, on arrive dans les pierriers et autres éboulis, et là c'est un peu plus compliqué, parce que les cairns sont rares, et qu'une montée dans un pierrier fin demande deux fois plus de temps et d'énergie, puisqu'on recule d'un demi-pas chaque fois qu'on avance d'un. Mais ça vaut vraiment le coup.
Vue de la Pointe de Bellgarde : en bas le refuge de Vogealle, au fond au milieu la tête des Ottans, au fond à droite le Grand Mont Ruan |
Vue du haut de l'Arête de Trécot (la Boîte aux Lettres est sur la droite) |
NB. Si, en fin de montée vers la Boîte aux Lettres, on continue à se diriger vers la droite de la dite Boîte, on arrive sur la crête dénommée Arête de Trécot, qui sépare la combe de Salvadon de celle du Bout du Monde. C'est là où je m'étais arrêté la fois précédente, sans réaliser que j'étais à une vingtaine de mètres à peine à l'est de la Boîte aux Lettres. C'est très joli aussi, mais on ne peut pas redescendre de l'autre côté ... Il suffit alors de revenir un peu en arrière et de suivre la crête vers la droite (vers l'ouest) pour rejoindre le passage de la Boîte aux Lettres.
L'itinéraire
On gare la voiture au hameau du Crot (petite route à gauche environ 1km après Sixt). On monte jusqu'aux chalets de Salvadon par le chemin forestier (cette balade est décrite ici).
La Boîte aux Lettres vue du dessous |
Un bouquetin revenant de poster son courrier |
La montée vers la Pointe de Bellgarde |
Pour la descente, on peut choisir de prendre les pierriers tout dré dans l'pentu, ça le fait assez - à condition qu'il n'y ait personne dessous, bien sûr.
De l'intérieur de la Boîte en direction de Salvadon |
Total : 5h50 (départ 7h00, retour 12h50).
Montée (en mode "je pourrais aller plus vite mais pas beaucoup") : jusqu'aux chalets de Salvadon : 1h30 ; des chalets à la Pointe de Bellegarde : 2h00.
Descente (en mode "je dois être de retour à la maison pour l'heure du déjeuner") : de la Pointe de Bellegarde aux Chalets de Salvadon : 1h15 ; des chalets de Salvadon au Crot : 1h00.
Un peu de toponymie
J'ai parlé ici de la Boîte aux Lettres, de Salvadon et de ses Miches, de Bellegarde, et du Crot.
Dérochoir (Pointe et Col du Dérochoir). Celui-là, il est trop facile. On a le verbe (franco-provençal, ou patois savoyard, comme on préfère) derotshi, tomber dans un précipice, dérivé de rotshe, roche, rocher. On a le patois dérotshau, précipice, chemin roide et escarpé. On a le régionalisme se dérocher, dévisser. Et on a le régionalisme dérochoir, qui désigne un pierrier ou un éboulis, là où des rochers ont déroché.
Trécot (Arête de Trécot, et Col de Trécot). Je n'ai pas trouvé d'autre exemple du toponyme Trécot, mais on trouve dans la région plusieurs Tricot (col, chalet, combe, arête, glacier, aiguille - eh oui, quelqu'un a osé appeler un sommet l'Aiguille du Tricot, et quand on y monte, une maille à l'endroit, une maille à l'envers, on n'oublie pas sa petite laine ...), et on peut penser qu'il s'agit du même mot.
Suter émet l'hypothèse, on ne peut plus hasardeuse, que Tricot pourrait dériver du vieux français tricot, triquet, bâton, petite trique.
Plus crédible me semble être l'hypothèse selon laquelle ce serait une déformation de tré col, au-delà du col (Bessat et Germi). Il faudrait supposer qu'il y a eu d'abord un lieu nommé Trécot, et que le nom soit ensuite monté au col et à l'arête. Sinon, on se demande au-delà de quel col se situe le Col de Trécot ...
Les Avoudrues. Selon Henry Suter, le toponyme Avoudrues pourrait dériver d´un pluriel apuldrans, les pommiers, d´un burgonde apuldra, pommier, du germanique ap[a]la, pomme, racine indo-européenne abol-, abel-, pomme (cf. l'allemand Apfel, l'anglais apple). Racine pommière qu'on retrouve dans le patois local avoutro, pommier sauvage. J'ai un peu de mal à y croire : que viendraient faire les pommiers, même sauvages, dans le nom de cette crête qui culmine à près de 2700 m, entre la Montagne de Salvadon et le glacier du Folly ? Cherchons donc ailleurs.
Les Avoudrues ont été parfois orthographiées les Avaudrues, et parfois la Vaudrue. Ça ne nous éclaire guère.
Je fais l'hypothèse qu'il s'agit d'un mot-valise (comme beaucoup de toponymes) : il y a Avou, et il y a Drues.
Pour Drues, on croule sous les hypothèses. Pégorier signale le mot régional drou (au pluriel droux), éboulis, éboulement (sans doute issu du latin deruptus, fortement incliné, penché, en pente, escarpé, à pic). C'est sûr qu'on ne manque pas d'éboulis sous les Avoudrues.
On a aussi le mot régional drouza (ou drauze, ou deroze, ou draouze), qui désigne l'aulne vert, et qui est - à l'instar des autres mots régionaux désignant cet arbuste - à l'origine de nombreux toponymes savoyards. Il faudrait alors supposer que le nom soit "monté" à la crête.
On trouve encore le mot patois druze, ou drudze, ou druge, ou drudje, qui désigne d'abord le fumier, et par extension un champ fumé, et par extension supplémentaire le bien-être, l'abondance. Assez difficile à imaginer, vue l'aridité du lieu. A moins que le nom ne soit monté de l'alpage de Salvadon.
Enfin l'adverbe dru signifie en patois fort, raide, ou droit.
Passons à Avou. On trouve dans la région les toponymes Avo, Avou, Avoud, Avoz, qui semblent dériver du mot français aval, le côté vers lequel descend un cours d´eau. Mais de quoi cet endroit pourrait-il être l'aval, alors que c'est le sommet le plus haut (2666m) à des kilomètres à la ronde ?
On a aussi, dans des patois régionaux, l'adverbe avu, qui signifie très, extrêmement. Avu dru, c'est super raide.
Mais pourquoi pas rapprocher le Avou des Avoudrues de l'avouille, c'est-à-dire l'aiguille, comme sa presque voisine Aouille (ou Avouille) du Criou ? Et les Avoudrues seraient des avouilles drues, c'est-à-dire des aiguilles droites et fortes, comme les Aiguilles des Drus de la vallée de Chamonix.
Tentons une synthèse : on va dire que les Avoudrues, c'est une montagne très raide et extrêmement abrupte, avec plusieurs pointes en forme d'aiguilles, entourée d'éboulis, qui domine un pâturage fertile où paissent vaches et moutons au milieu des aulnes.
Allez, comme on dit par chez nous, tini-vo dru, tenez-vous droit, et portez-vous bien !
Les Grands Fats. Les Grands Fats sont les voisins des Avoudrues. On peut penser qu'il ne s'agit pas, en l'occurrence, de grands dadais imbus d'eux-mêmes, vantards et prétentieux - même s'il n'est pas impossible que de grands fats aient prétendu avoir escaladé les Grands Fats.
En patois, une fatta, ou fatte, est une poche. Les Fattes, sous la Pointe Percée, ce sont des espèces de poches d'où s'écoulent les eaux de fonte des neiges. Pas très convaincant pour ces Fats-ci.
Faut-il rapprocher ces Fats des innombrables formes et déformations de l'ancien français faie, le hêtre, qui a donné le mot régional fayard, mais aussi tout une flopée de toponymes, comme Faix, Fay, Fayet ... et le tout voisin Folly (qui se prononce Foilly) ?
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