L'histoire de Samoëns

(prononcer "Samoin")


Aux origines

Dans l'histoire alpine, la vallée du Giffre a constitué un lieu de peuplement fort ancien. Des peintures rupestres ont attesté des incursions de chasseurs, dans le bas de la vallée, aux tous premiers temps de la civilisation alpine, 6000 ans avant notre ère. On ignore si ces premiers habitants ont fréquenté l'amont de la vallée, si la présence humaine a été permanente après eux... En tout cas, c'est dans l'Antiquité gallo-romaine que nous retrouvons, à Samoëns, les indices cohérents d'un premier peuplement. Une trouvaille faite dans une cave, au chef-lieu, pose un problème intéressant en relation avec la fréquentation des cols de montagne : un trésor de pièces de monnaies enfouies dans la première moitié du IIIe siècle. L'agglomération qui allait devenir le chef-lieu de Samoëns était née.

Au Moyen Age

Le linguiste Théophile Perrenot, auteur de La Toponymie Germanique et Burgonde, a vu dans la toponymie locale des héritages de la langue burgonde. Dans le haut moyen âge, Samoëns aurait accueilli des colons de langue germanique, et aurait été nommé successivement Samolding, Samoding et Samodens (sur l'origine du nom de la ville et de celui de ses habitants, voir aussi ici et ). Très tôt, le village dût construire son église et devenir un centre paroissial : l'église Notre-Dame de l'Assomption porte des vestiges d'une église romane qui s'élevait en lieu et place de l'édifice actuel.

Samoëns est entrée dans l'histoire écrite en 1167, à l'occasion d'un litige avec les religieux de l'abbaye de Sixt. Pendant tout le Moyen Age, l'histoire locale a été marquée par des heurts avec les monastères voisins, les montagnards admettant mal la tutelle matérielle et spirituelle dont les religieux étaient investis. En 1438, un jugement du Duc Amédée VIII mettait fin à une longue controverse en reconnaissant aux habitants de Samoëns la propriété de plusieurs massifs montagneux situés au Nord du village. Les Septimontains, transis de joie, commémoraient leur victoire en plantant un arbre sur la place du village : le Gros Tilleul.


La proximité du Valais, théâtre de nombreuses chevauchés guerrières, devait profondément marquer la vie de Samoëns au Moyen Age. Dans les temps ancestraux des seigneurs de Faucigny, les cols dominant Samoëns étaient soigneusement tenus boisés pour empêcher d'éventuels passages armés. Un château surveillait même la vallée, depuis les à-pic surplombant le village. Dans les déboires militaires des Ducs de Savoie, à la fin du Moyen Age, Samoëns devait payer un lourd tribut : en 1476, une chevauchée bernoise déferlait sur la ville, depuis le Col de Joux Plane, et réduisait le bourg en cendres. La population effrayée trouvait refuge dans la tour clocher de l'église.

Une certaine tradition d'indépendance

Si la cité de Samoëns a connu une certaine aisance matérielle dès le Moyen Age, les siècles suivants lui ont apporté ses lettres de noblesses, tant en termes politiques que culturels. L'attention princière se détournant très vite de ce secteur montagnard, plusieurs familles roturières purent réaliser de très belle ascension sociale. Par des rachats d'anciens fiefs, des mariages savamment calculés, et des services militaires heureux, certains purent accèder à la noblesse et l'on assista, dès le XVIe siècle à une refonte complète du paysage politique et social local. Les notaires, les commerçants, les artisans, les paysans acquièrent une belle aisance et la société montagnarde délaissa les durs clivages socio-économiques hérités du Moyen Age.

Fait révélateur des mentalités et de la cohésion sociale du pays autrefois, les habitants se sont souvent prêté assistance et secours, par delà leurs clivages et leurs inimitiés, pour faire face aux représentants de l'ordre extérieurs à la vallée. Lorsque, dans les derniers temps de l'ancien régime, un noble chambérien fut élevé marquis de Samoëns, il fit figure d'ennemi commun, et passa le plus clair de son temps au tribunal, dans d'interminables démêlés avec ses sujets. Cette cohésion très profonde de la population locale a beaucoup affecté la période révolutionnaire, au cours de laquelle les Sans Culottes se heurtèrent à une vive résistance à Samoëns.

L'âge d'or

La cité vit au XVIIIe siècle son véritable apogée, accédant à une certaine aisance matérielle et à un véritable rayonnement socioculturel. En 1750, les habitants du bourg parvenaient, en se cotisant, à racheter son fief au marquis de Samoëns. Leurs fameuses Sept Montagnes leur étaient acquises. Elles permettraient un regain d'activité agropastorale. Les migrations des Frahans n'étaient pas étrangères à l'aisance des familles : l'argent que les émigrés ramenaient chaque automne au foyer constituait un apport substantiel.

Dans cette situation confortable, de nombreux enfants purent se consacrer aux études, et Samoëns donna au royaume plusieurs grands intellectuels et hommes d'église de ce temps. On retient en particulier les personnalités de Jean-Pierre Biord, devenu Prince et évêque de Genève, et du grand érudit barnabite Jean-François Gerdil, qui fut nommé cardinal au titre de Sainte Cécile, et qui fut élu pape par le conclave de 1800, mais se vit opposer le veto du représentant des Habsbourg à cause de l'annexion de la Savoie par la France.

Un siècle de profondes transformations

Samoëns devait connaître au XIXe siècle de profondes mutations, de même que s'amorçait le recul de l'économie et de la société traditionnelle. Pendant cinquante ans, la cité retrouvait ses souverains de l'Ancien Régime, et deux générations allaient traverser les tracas du Buon Governo. Une grande place était dévolue au clergé, toute association en dehors de l'église était proscrite, et l'on voyait renaître les anciennes confréries au sein de la paroisse.

Du point de vue politique, l'époque était marquée par les réunions d'une société très curieuse qui dénonçait l'autoritarisme des souverains sardes sous couvert d'amusements. Cette société, dénommée la Pipe-Gogue, réunissait des juristes, des avocats et des entrepreneurs, qui venaient d'assez loin pour se livrer à des pantalonnades et irriter l'ordre établi. L'octroi du Statut Fondamental de Charles Albert en 1848 met fin à ces réunions et donne un élan considérable à la vie associative : ainsi voit le jour la Société des Maçons, réformée et laïcisée en 1850, association qui se dote bientôt d'une authentique et indépendante société de secours mutuels.

A peine l'économie traditionnelle commençait-t-elle à décliner qu'arrivaient dans le pays les premiers voyageurs. Au voyage itinérant, selon une vieille coutume en vogue dans l'aristocratie, ils préfèrent de plus en plus nombreux la villégiature, propre à la découverte du milieu naturel. La vallée du Giffre est marquée dès 1860 par l'arrivée et l'installation chaque été d'une petite colonie d'aristocrates de la haute société victorienne, menée par Sir Alfred Wills, avocat à la cour d'Angleterre. Amoureux des Alpes, pour ainsi dire fondateur de l'alpinisme moderne (Wills est le fondateur du Club Alpin Anglais), il s'élance à la conquête systématique de tous les sommets du massif (Buet, Ruan, Tenneverge) et développe une pratique de la montagne sportive et très engagée, qui a durablement marqué la mentalité des montagnards autochtones. La venue des Anglais bouscule considérablement les habitudes. L'ancienne cité des tailleurs de pierre de Savoie devient en quelques années un centre alpin de rayonnement international, et l'on voit des maçons se reconvertir en guides de montagne. À la fin du XIXe siècle, un chemin de fer dessert la vallée du Giffre au départ de Genève et Annemasse.

La belle époque

Le début du XXe siècle septimontain fut marqué par des grandes réjouissances, mais aussi par de formidables tensions. Les temps et les mœurs ayant bien changé, la société montagnarde voyait l'essor d'un parti républicain extrêmement actif, défendant vigoureusement les principes de laïcité. À Samoëns, la crise de séparation de l'Église et de l'État prend une tournure particulièrement polémique, et l'antique Société des Maçons délaisse un peu sa vocation corporative devenir le point de convergence de tous les libres-penseurs locaux.

L'époque est dominée par la figure de Marie-Louise Jaÿ, une enfant du pays émigrée à Paris pour fonder les grands magasins de La Samaritaine. Devenue millionnaire, elle décidait en 1904 de doter sa commune natale d'un outil pour son développement touristique. Ainsi voyait le jour le projet du Jardin botanique Alpin, qui devait prendre place sur les escarpements rocheux dominant le vieux Samoëns. Création de l'architecte paysagiste Louis Jules Allemand, le jardin de la Jaÿsinia devait faire le bonheur des gens aisés et instruits prenant villégiature à Samoëns. Le jardin fut inauguré avec faste le 2 septembre 1906. Il sera placé sous la direction du Muséum National d'Histoire Naturelle dans les décennies suivantes.

Des années pour s'envoler

Vint le temps de l'industrialisation et de l'exode rural, qui voyait chuter vertigineusement le nombre d'habitants de Samoëns. Dans l'entre-deux guerres, les sports d'hiver faisaient leur apparition avec l'installation de quelques remontées mécaniques privées. Dans les années 1970, la commune se portait acquéreur de toutes les remontées mécaniques et de tous les terrains favorables à la pratique du ski. Une station d'altitude voyait le jour au plateau des Saix pour compléter l'offre touristique du village. A l'aube des années 1980, des liaisons avec les pistes de Flaine et des Carroz étaient ouvertes. Un domaine de grand ski était né, le nom de Samoëns serait dès lors attaché à celui du Grand Massif. Samoëns est devenue, en l'espace de quelques décennies, une station cosmopolite, où les témoins de la vie d'autrefois voisinent avec une population pour le moins bigarrée : des free-rider adeptes du fun et de la glisse, des clients de la « haute », venus des quatre coins du monde, et des vacanciers de condition plus modeste, venus chercher un peu de détente sous le soleil haut-savoyard...

Nota. Ce texte est tiré du site internet de la Mairie de Samoëns. Les images viennent du Blog d'Arlette Delesmillières.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire