dimanche 24 août 2014

Balade : le col de la Portette et le passage du Dérochoir par les chalets de Sales

Randonnée faite le 17 août 2014

Le Mont Blanc, du passage du Dérochoir

Point de départ : le Lignon (au-dessus de Sixt - alt. 1180 m)
Durée : montée au col de la Portette : 3h30 ; traverséee la Portette au Dérochoir : 45 mn (NB : montée directe au passage du Dérochoir : 3h) ; descente du Dérochoir : 2h30.
Dénivelé positif : environ 1200 m (col de la Portette : alt. 2354 ; passage du Dérochoir : alt. 2220 m).
Difficulté : 7.5/10

Le passage du Dérochoir
En résumé

Une des plus belles randonnées de la journée dans la région. La montée aux chalets de Sales qui longe le torrent de Sales et ses cascades plus belles les unes que les autres, des chaos de rêve (comme aurait dit Nougaro …), des vues magnifiques sur toutes les montagnes environnantes, et notamment, du Dérochoir, sur la chaîne du Mont Blanc, des petits lacs, des chamois, des marmottes …

Le sentier, indiqué sur la carte, est presque partout très bien tracé, et sans difficulté, sauf un petit passage un peu délicat dans le chaos de rochers entre la Portette et le Dérochoir, où on doit mettre parfois un peu les mains, et où il faut bien suivre les cairns (qui sont nombreux).

NB. Il vaut mieux se lever tôt pour faire cette balade, pas seulement parce qu'elle est assez longue, mais aussi parce que le nombre de voitures, un jour de beau temps, excède très largement la taille du parking : lorsque je suis redescendu, vers 12h30, les derniers arrivés devaient faire ½ heure de marche avant d'atteindre la parking … plus ½ heure pour le retour ...

Les Laouchets
L'itinéraire

Le départ est au parking du Lignon, au bout de la route qui monte de Sixt à la cascade du Rouget (à 20 mn du Margalier). On prend le chemin qui mène au refuge et aux chalets de Sales. A l'approche des chalets, il y a un joli passage où le sentier est creusé à flanc de rocher, mais sans danger, avec un câble côté rocher et une barrière côté torrent. C'est peu après ce passage qu'on rencontre les chamois, souvent installés juste en face du sentier sur l'autre rive du torrent (voire, comme ce matin, carrément sur le chemin).

Le Dérochoir vu des chalets de Sales
Des chalets de Sales on voit, au fond de la combe, deux cols : le plus à gauche, la brèche du Dérochoir (indiquée comme voie sans issue), et plus à droite le passage du Dérochoir, qui permet de redescendre ensuite côté vallée de l'Arve. Le col de la Portette, encore plus à droite, n'est pas visible, car il est caché par une crête. A droite du passage du Dérochoir, on voit la Pointe du Dérochoir.

Au fond à droite, le col de la Portette
On passe les chalets et on suit les indications vers le col de la Portette. A un moment, les chemins de la Portette (à droite) et du Dérochoir (à gauche) se séparent. Le sentier est bien tracé. On passe une petite crête pour redescendre de quelques mètres dans le vallon des Laouchets, petits lacs qu'on voit un peu plus bas sur sa droite, puis on remonte vers le col.

Du col de la Portette, le sentier redescend vers le refuge de Platé, qu'on voit à ses pieds. On peut aussi rejoindre Flaine par le col du Colonney. La traversée entre le col de la Portette et le passage du Dérochoir, dominée par la Pointe de Platé et la Pointe du Dérochoir, n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air : on doit traverser un chaos de rochers, magnifique mais potentiellement casse-figure - on doit parfois mettre les mains, à moins d'avoir l'adresse et l'équilibre du chamois. C'est la seule - petite - difficulté de la balade.

Entre la Portette et le Dérochoir - Au fond, l'Aiguille du Midi
Du passage du Dérochoir on a une vue sublime sur toute la chaîne du Mont Blanc, mais le panorama est aussi somptueux dans toutes les autres directions (sublime, somptueux : voilà deux qualificatifs que je n'avais pas encore employés ici …).

La descente est sans problème - on peut se perdre un peu dans de fausses traces, ce que j'ai réussi à faire plusieurs fois, mais on finit toujours par se retrouver.

NB. Des chalets de Sales, on peut aussi monter à la Pointe de Sales, extrémité nord des rochers des Fiz, qui séparent la vallée de Sales de celle d'Anterne. Le chemin n'est pas indiqué sur la carte, mais il est parfaitement faisable, m'ont assuré deux randonneurs qui y montaient ce matin-là. Il passe par le replat dénommé les Salamanes (*), situé au-dessus de la combe de Sales, mais je n'ai pas encore bien compris comment on y parvenait. Mais j'essaierai un jour, inch'Allah ...

(*) Rectificatif. Le chemin vers la Pointe de Sales ne passe pas par le Plateau des Salamanes : ce dernier est situé sous la Tête à l’Âne, nettement plus au Sud donc que le sentier de la Pointe de Sales. C'est pour monter des chalets de Sales à la Tête à l’Âne, point culminant de la Chaîne des Fiz (2804m), qu'on passe par les Salamanes. C'est donc une autre histoire.

Dans la descente des chalets de Sales vers le Lignon
Mes temps

Du parking aux chalets de Sales : 1h10. Des chalets à la Portette : 1h20. De la Portette au Dérochoir : 35mn. Descente : 1h45. Et cette fois, même pas de courbatures ! Total (dont 20 mn de pause aux cols) : 5h10.

Un peu de toponymie

Ayères (écrit aussi ahier). Du patois romand ayé, ayer, érable. On peut donc penser que les pâturages qui ont gardé ce nom, et qui l'ont donné aux pointes du même nom, étaient autrefois (avant le grand dérochage de 1751 ?) plantés d'érables.

Le Dérochoir. Le verbe franco-provençal déroshyé, ou dérotcher, signifie tomber d'un rocher. Il est encore utilisé en Savoie : dérocher, ou se dérocher, signifie dévisser. Une vache déroche quand elle fait la culbute dans une falaise (Les mots pour dire la Savoie, J-M. Jeudy). Le terme dérochoir (variante donnée par Pégorier : dérouchas) désigne un lieu d'éboulement de pierres, un pierrier. Ici, selon Hubert Bessat et Colette Germi, le Dérochoir (Déroshya) tire son nom d'un éboulement très important survenu en 1751, qui a partiellement enseveli les pâturages d'Ayères juste en dessous (côté Passy). Le Dérochoir désigne précisément la zone d'éboulis située juste au-dessous de la Brèche du Dérochoir, éboulis qui a donné son nom à ladite brèche, ainsi qu'au passage et à la pointe du même nom.

Sans légende
Les Fiz. Henry Suter fait dériver le toponyme Fiz du mot patois savoyard fys, qui désignerait des "bandes de terrain dans le sens de la pente". D'autres (par exemple ici) signalent simplement que le mot fiz désigne une falaise, une muraille rocheuse.
Ce qui semble certain, c'est que le mot patois fyà, ou feya, qui fait au pluriel fyè, ou , désigne une brebis, un mouton (exemple cité dans Le patois de Tignes, de Célestin Duch et Henri Béjea : oun tropel dè fi, un troupeau de brebis, c'est-à-dire de moutons).
Et pour passer des moutons à la falaise, qu'on doit prononcer fi, le z final n'étant manifestement qu'un ajout esthétique, il suffit de penser soit aux moutons qui se jettent les uns derrière les autres du haut de la dite falaise, soit, plus sérieusement, aux pâturages au bas d'icelle (cf. Nouvelle Revue d'Onomastique, p. 188).

Les Laouchets. Un laouchet est un mot local qui désigne une petite étendue d'eau, un petit lac. Tout comme un lagot (cf. Les Lagots, entre le col de Golèse et le refuge de Bostan).

Le Lignon. Alors là, mystère et boule de gomme. Les toponymistes sont muets. On sait que plusieurs cours d'eau portent ce nom, et on peut penser que l'origine en est, dans ce cas, le mot latin linea, qui désigne une limite. Cette étymologie semble douteuse ici : de quoi notre Lignon serait-il la limite ? Il me semble plus logique de le rapprocher d'un autre mot latin, lignum, qui signifie bois.

Platé. Du patois platë, plateau. En l'occurrence, le plateau de Platé est quelque peu en pente, mais qu'importe. De Platé on a ici le Désert, les Chalets, et la Pointe. Et les Grandes Platières. Pas de quoi en faire tout un plat.

La Portette (ou la Porteta). Pas besoin de chercher midi à quatorze heures, il suffit de le voir à sa porte, ou à sa portette : une porte, c'est un passage, un col (ex. : col de Porte, Porte des Aravis, …). Comme le passage en question est très étroit, c'est une petite porte, donc une portette.

Les Salamanes. Selon Bessat et Germi, Salamanes serait une graphie fautive pour Chalamanes, qui viendrait du patois shalamanè, pâturage d´altitude (tiens tiens ? comme, peut-être, Chamouni / Chamonix ? voire comme Samoëns ?). En 1856, Vimal de Lajarriga, dans ses Souvenirs de Sixt, raconte que, du passage du Dérochoir, on voyait paître des chevaux dans ce pâturage, qu'il appelle "la riante plate-forme de Chalamanes".

Sales. Malgré le fait que Saint François de Sales, haut-savoyard, ait été évêque de Genève, et qu'il soit venu à Sixt en 1603, et malgré la présence d'une chapelle tout près du refuge de Sales, notre Sales n'a probablement rien à voir avec celui de Saint François (son Sales à lui, c'est le nom du château où il est né, situé près de Thorens, et dont le nom dérive de l'occitan sala, qui désignait une maison seigneuriale. Le Sales de Cranves-Sales, près d'Annemasse, et le Sallaz de Viuz-en-Sallaz, sur la route de Samoëns, ont sans doute la même origine).
Difficile en effet de prendre les chalets de l'alpage de Sales (qu'on voit aussi écrit Salles) pour des résidences seigneuriales. Restent deux hypothèses : du patois salla, qui désigne, selon H. Suter, un replat de terrain, ou du mot régional sallaz, qui désigne, selon Pégorier, un rocher, un pointement, un promontoire rocheux (mot de la même famille que saillant, du latin salire, sauter, sortir, jaillir, saillir).
Notre Sales, c'est incontestablement un replat, mais la pointe qui le domine saillit diablement : alors, le plat, ou le pointu ? Je donne ma langue au chat (au chat Lamanes, bien sûr).

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