samedi 10 décembre 2011

Balades et randonnées

Moi, Enkidou, fille de Vakhan der Landerland et de Una Testa de La Grande Charrière, j'ai décidé de vous proposer sur ce blog les meilleures balades et randonnées faites par moi-même, ou par mes maîtres bien-aimés, à partir du Margalier.

Je suis toute prête (toutou prête) à accueillir également les propositions d'autres baladeurs : il suffit de me les envoyer par e-mail.

Une seule règle : avoir effectivement fait la balade en question. Et si vous manquez d'inspiration, cliquez ici, ça vous aidera.

Un peu d'étymologie

Comme les lecteurs de ce blog le savent, tout chien que je sois, j'aime les mots et leur histoire. J'ai donc cherché à comprendre les étymologies respectives des mots balade et randonnée, dont je n'avais pas la moindre idée.

Balade

Le mot balade est dérivé du verbe balader, qui s'écrivait d'abord ballader. Ballader signifiait au XVème siècle « chanter des ballades » (je reviendrai sur la ballade un peu plus loin). Au XVIIème, il est devenu « aller demander l’aumône, mendier ». Cette évolution sémantique s'explique par le fait que les jongleurs et autres saltimbanques parcouraient les villes en chantant des ballades pour demander l'aumône (autrement dit : c'étaient des baladins qui se baladaient en chantant des ballades).

C'est au XIXème siècle que le mot a pris la signification qu'il a aujourd'hui, soit sous la forme intransitive "balader", encore utilisée dans certaines régions reculées comme le village de Beaurecueil près d'Aix-en-Provence, soit sous la forme pronominale, plus usuelle, "se balader" : « marcher sans but, flâner ». D’où le déverbal, comme disent les linguistes, balade, « action de se promener, promenade ». Est-ce au cours d'une randonnée qu'il a perdu un l, pour s'écrire maintenant comme salade ou marmelade ? Mystère et boule de gomme.

La ballade, qui est donc à l'origine le même mot que balade, a conservé son double l et son sens originel de chanson ou poème chanté. Je citerai deux exemples célèbres : "La Ballade des pendus" de François Villon au XVème siècle, et la Ballade du Margalier d'Enkidou au XXIème.

Mais d'où vient ce mot de ballade ?

Je vous le donne en mille (expression qui mériterait qu'on s'intéresse aussi à son origine, mais ce sera pour une autre fois) : comme le margalier vient de l'ancien provençal margala,  la ballade vient de l'ancien provençal ballada, « chanson à danser », dérivé du provençal ballar, qui a donné en vieux français baller, « danser », cousin de l'espagnol bailar, « danser », et qui existe encore en français sous la forme adjectivée ballant dans l'expression "les bras ballants".

Et voici que s'invitent à la danse tout un tas de mots tous dérivés du même baller, lui-même descendant du bas-latin (du ballatin ?) ballare, « danser», qui lui-même a sans doute son origine dans le grec βάλλειν (ballein), « lancer, jeter », dérivé en βαλλίζειν (ballizein) « se trémousser, danser » : outre le bal, on trouve naturellement le ballet, la ballerine, la balançoire ... mais aussi l'arbalète !

Que vient donc faire l'arbalète dans cette danse, me direz-vous ? Y aurait-il donc une connexion avec ce précédent billet ?

Surprise : la connexion est bien réelle.

L'arbalète est en effet un « arc monté sur un fût de bois destiné à diriger le projectile ». Il vient du latin arcuballista, mot composé de arcus, « arc », et ballista, « baliste, machine à lancer des projectiles ». La baliste est une machine de guerre bien connue, qui sert à lancer (à balancer) des pierres ou d'autres projectiles par-dessus les remparts ennemis depuis au moins l'époque d'Asterix. Et l'on retrouve facilement l'origine grecque ballein, « lancer », comme dans le mot balistique.

Et tant qu'on est dans les connexions, n'y aurait-il pas aussi un lien entre balade et balustrade, camarade de jeu de l'arbalète dans ce billet ?

Eh bien non, malheureusement. La balustrade est une « rangée de plusieurs balustres portant une tablette d’appui ». Balustre est un emprunt à l'italien balaustro, et signifie une « colonnette de forme renflée et ornée ». Le mot est issu de l'ancien italien balaustra (en italien moderne balausta), qui désigne « la fleur et le fruit du grenadier sauvage », en raison de l'analogie de forme entre les piliers façonnés et la fleur de grenadier. L'italien balaustra est dérivé du latin balaustium « fleur du grenadier sauvage » (le grenadier sauvage s'appelle aussi balaustier en français - c'est moins joli que margalier). Et tout cela vient du grec balaustion, qui désigne ce même grenadier.

Donc la balustrade n'a rien à voir, selon toute vraisemblance, avec la balade. Dommage.

Et si vous m'envoyez un commentaire, je le trouverai dans ma bal (pour les anciens : ça veut dire boîte aux lettres en français moderne).

Randonnée

Le nom randonnée est dérivé du verbe randonner, ou randoner en vieux français, qui signifiait « courir, s'empresser, aller avec impétuosité », lui-même dérivé de randon, « rapidité, impétuosité, force, violence ». On rencontre souvent dans la littérature de l'époque, que je fréquente assidûment, par exemple dans le Roman de Renart, l'expression de randon, ou à grant randon, « vivement, furieusement, à toute allure ». Le terme de randonée est lui-même souvent utilisé dans les chansons de geste du début du Moyen-Age au sens d'impétuosité.

Le mot randon serait dérivé de la racine germanique rand, « bord, extrémité », mais aussi « course », d'où proviendraient donc aussi l'allemand rennen et l'anglais run, « courir ».

Au XVIème siècle, la randonée devient un terme de chasse, désignant le circuit plus ou moins long que fait autour du même lieu, souvent plusieurs fois, un animal chassé qui tente d'égarer les chiens qui le poursuivent.

Le mot n'a pris sa signification actuelle de « longue promenade revenant à son point de départ » qu'à la fin du XVIIIème siècle, perdant ainsi complètement les sens originels de rapidité et de violence, et ne conservant que celui de circuit fermé inventé par les chasseurs - qui ne sont donc pas, contrairement à des idées reçues, les ennemis des randonneurs (voir ici).

Ainsi, on serait passé du bord d'une chose à un mouvement rapide et violent puis à une promenade dans la nature, certes légèrement sportive, mais tout sauf violente. Pour réconcilier tout ça, il suffit donc de faire une randonnée en courant au bord d'un précipice.

Désolé, je n'ai pas d'autre explication.

Et tout ça pour quoi ?

On devrait trouver dans cette rubrique des descriptions de balades ou de randonnées à partir de Samoëns.

Outre une description succincte, des commentaires éventuels, des photos, une carte, la durée et le dénivelé, chaque balade sera dotée d'une note indiquant sa difficulté (de 1 : accessible à tous de 1 à 100 ans, à 10 : épuisant, ou très difficile, même pour un marcheur entraîné et expérimenté).

Je vous souhaite d'agréables promenades.

Enkidou

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